Les citoyens parfaitement formatés, les citoyens encartés nous disent :
le 23 mars il faut voter ! Est-ce si simple ?
Les vertus démocratiques on connaît. La ritournelle du moins pire des systèmes, c'est du rebattu. Malgré tous les bons arguments militant pour nous faire passer pour des citoyens responsables, un nombre croissant des électeurs ne croit plus du tout à ce système. Peut importe à qui attribuer la faute : à ce système qui rabote en permanence tous les acquis démocratiques ou à ses représentants en perte permanente de crédibilité mais qui vivent bien sur le dos de la bête. C'est une réalité et c'est sans doute pour cela qu'un nombre croissant de nos concitoyens ne veut plus participer à ce jeu de dupes. Même parmi ceux qui s'y prêtent, certains d'entre-eux restent pour le moins très circonspect sur l'efficacité de leur bulletin de vote. Alors posons-nous clairement la question : vote ou pas vote ?
L'incohérence du système participe grandement à ce trouble. Entre le rôle des "pigeons", ce patronat curieusement rebelle, celui des "bonnets rouges", ramassis d'une rancoeur protéiforme, et le rôle de ce grand patronat compradore qui adore la défiscalisation, entre ces politiciens de tous bords qui jouent le jeu de ceux-ci et « nos » représentants aux instances européennes et internationales qui ne valent guère mieux, il est difficile d'espérer de nos élus un changement profond des structures dans lesquelles ils ont pris place et qui ne semblent guère leur déplaire. Mais restons terre-à-terre.
Dans l'actuelle campagne municipale du premier tour, toutes les listes se présentant dans les villes moyennes ou importantes y vont de leurs promesses. A moins d'avoir la foi du charbonnier, nul n'ignore que beaucoup d'entre-elles ne seront jamais tenues. Pire ! dans certains cas, au hasard de propos tenus en réunion publique, quelquefois de nouvelles propositions sont émises par la tête de liste au grand dam de ses colistiers découvrant de nouveaux éléments de flatterie et n'ayant jamais fait l'objet d'une discussion programmatique. Comment voter et croire crédible ses discours de préaux d'école ? Imaginez, lors des mariages de second tour, ce qu'il restera dans le libellé des contrats de mariage entre des listes encore opposées quelques instant avant les résultats du premier tour ? Il faut donc disposer d'une foi chevillée au corps pour continuer à espérer un changement par les urnes.
Il ne reste donc plus que l'abstention ou le vote blanc. A l'issue du scrutin, l'abstention est donnée en pourcentage et vite rangée dans le magasin aux accessoires par les analystes et encore plus par les politiques de tous poils. Normal, c'est leur mauvaise conscience... On entend gémir les salles de rédaction ainsi que les politiciens interviewés et puis on passe très rapidement aux affaires "sérieuses", c'est-à-dire aux causes de la victoire ou de la défaite et aux nouveaux lendemains. Les abstentionnistes deviennent très rapidement les oubliés de l'histoire.
Le vote blanc, quant à lui, est complètement mis à la trappe. C'est extraordinaire : personne ne le comptabilise, il n'existe pas. Pourtant, ces électeurs se sont déplacés pour remplir "leur devoir". Sans doute ont-ils voulu témoigner de leur participation, sans doute par respect pour ce suffrage universel issu de la Grande Révolution ? Par ce choix délibéré, ils n'ont pas cherché l'esquive mais exprimer simplement et à leur manière ce refus de choisir ce qu'il leur est présenté et qui ne leur convient pas. Ce vote n'est donc ni anodin ni banal. Il nous semble tout à fait légitime que lors de la proclamation des résultats, ce vote soit pris en compte au même titre que tout suffrage valablement exprimé. Mais, mon petit doigt remue et m'indique que cela ne sied guère aux politiques. Quelle vexation !
Alors que faire ? Voter ? S'abstenir ou voter blanc ? Pour moi, le choix est clair. Parmi les trois options et dans le cadre de la société actuelle, les deux dernières ont ma préférence. Pour ceux qui comme moi les revendiquent elles traduisent un acte politique, elles expriment une rupture avec un système politico-économique dans lequel l'individu reste un otage, en sursis permanent dans les mailles du filet. Nous avons conscience qu'avec ces deux possibilités d'agir nous touchons là à un sujet tabou, au même titre que celui de la révocabilité permanente des élus.